ÉPISODE 2 : Réchappez-vous qu'ils disaient !
Avril 2018 (L'épisode 1 est par ici)
Quelques semaines passent, les yeux et le cœur dans les falaises, avec une seule envie en tête : recommencer. Pour cette deuxième session, direction les Dentelles de Montmirail : rien que ce nom très médiéval augure de belles choses. Après une journée de révision des manips et une petite grande voie avec nos formateurs du jour, je découvre l'ivresse de la préparation de la journée du lendemain.
Phénomène étrange : à peine quelques secondes après cet instant de catharsis où chacun et chacune raconte ses aventures de la journée, ses peurs et ses réussites, débarque sans prévenir le moment de penser au lendemain.
Sur la route des crêtes, Caro, Adeline et Annette - Dentelles de Montmirail
Au coin du feu, les topos changent de main, les projets s'ébauchent, les équipes se montent : « Regarde ça, ça a l'air trop bien ! » Ou encore : « Eh, Antoine, tu as quelqu'un avec qui grimper demain ? J'ai un super projet, tu vas voir : 8 longueurs pour parcourir le chemin des crêtes, au sommet des Dentelles... »
Une drôle de fièvre semble s'être emparée de tous et toutes : nous parlons en chiffres et en lettres, des étincelles dans les yeux. À côté des concentrés et des sérieux, les éclats de rire fusent. Les verres se vident à mesure que les projets se montent. L'excitation, quant à elle, ne baisse qu'à mesure que les plans soient entérinés. Petit à petit, chacun part se coucher, l'estomac rempli d'un délicieux repas et la tête pleine de belles promesses pour le lendemain.
Restent alors les indécis, les perfectionnistes et celles et ceux magnétisés par la cheminée. Dans les gros fauteuils qui font face à l’âtre, les anciens partagent leurs anecdotes de grimpe sous les yeux parfois ébahis des petits nouveaux comme moi.
Antoine, au sommet des crêtes - Dentelles de Montmirail
Avec l’aube vient le moment de rencontrer les Dentelles. Au milieu des douces pentes peuplées de vignes, trois crêtes parallèles de plusieurs centaines de mètres de haut ont déchiré la terre, comme si de titanesques dinosaures étaient endormis sous terre et que seules leurs voilures dorsales en sortaient. Elles semblent surgir de nulle part, fragiles et magnifiques.
Notre projet du jour, avec Antoine : parcourir une des crêtes d’un bout à l’autre. Ce sera notre première vraie grande voie en autonomie. Caro, Annette et Adeline nous suivront, pour veiller à ce qu’on ne fasse pas n’importe quoi. Nous escaladons, posons nos relais, faisons nos rappels. Et nous recommençons. Gendarme après gendarme, nous avançons bien davantage verticalement qu'horizontalement : après quelques heures, nous n'avons parcouru qu'une centaine de mètres. Nous rions de la vacuité de notre entreprise, et nous poursuivons notre route.
Ophélie, Dentelles de Montmirail
Finalement, nous arrivons sur une grande terrasse, le point le plus haut des Dentelles. Semblable à une tour médiévale, un grand espace plan est enserré de parois verticales. Elles nous protègent du vent qui commence à souffler. Là, un arbre chétif qui pourrait nous abriter du soleil, s'il y en avait. La deuxième cordée arrive. Nous mangeons devant les kilomètres de vignes qui s'étalent jusqu'à l'horizon.
Vient une goutte, puis une deuxième. Une fine et douce pluie tombe du ciel gris. L'arbre chétif qui devait nous abriter du soleil nous protégera donc des gouttes. Il faut prendre une décision : continuer ou bien abandonner. De l'autre côté de la plateforme où nous avons mangé, le sommet du prochain gendarme semble à portée de mains. Pour y accéder, un rappel puis une belle dalle avec une longue fissure. Ça a l'air superbe. Mais c'est désormais mouillé. Las, nous apprenons à renoncer là.